Accueil > Vie Scolaire > Ciné-Club > Ciné-Club : Au-delà des montagnes.
Ciné-Club : Au-delà des montagnes.
par
Deuxième séance du Ciné-Club, deuxième coup de cœur : Au-delà des montagnes de Jia Zhangke réalisé en 2015. Une réflexion brillante sur l’évolution de la civilisation chinoise. Le film sera projeté en salle 403 le mercredi 16 novembre à partir de 15h30.
Durée 131 mn
Nationalité : sino-franco-japonais
Avec Zhao Tao (Tao) , Zhang Yi (Zhang Jinsheng) , Liang Jing Dong (Liangzi)
Quel cinéaste est assez fou pour vouloir, et pouvoir, montrer un changement de civilisation dans son pays et au-delà, sur un quart de siècle ? Actuellement, on n’en voit qu’un seul : Jia Zhang-ke, le plus grand réalisateur chinois en activité, l’auteur de Still life et d’A touch of sin. Agé de 45 ans, il fit partie de cette jeunesse aimantée par l’Ouest, mais rattachée, organiquement, à la Chine traditionnelle. Les trois personnages principaux évoquent, d’ailleurs, les jeunes gens déboussolés de ses premiers films, tournés à cette époque, comme Xiao Wu, artisan pickpocket et Platform. A Fen¬yang, ville natale du cinéaste, la gracieuse Tao, issue de la classe moyenne, est aimée par deux jeunes hommes très différents : un mineur humble, comme elle en a toujours connu, et un affairiste nouveau genre, en plein fantasme américain. Hésitante, déchirée, elle se marie avec le second, comme si elle s’obligeait à suivre le sens de l’Histoire.
Pour mieux éclairer le destin de ces trois héros, et le faire résonner avec celui de toute une génération, Jia Zhang-ke sort, cette fois, le grand jeu. L’expressivité de certains détails vire à l’outrance sarcastique : le fils de l’héroïne est prénommé Dollar par son père, l’homme d’affaires décomplexé. Des ellipses spectaculaires nous propulsent de la fin du XXe siècle à 2014, puis à 2025. Ce troisième et dernier chapitre se déroule en Australie, eldorado d’une diaspora chinoise richissime, déployant à perte de vue des paysages grandioses tels que le cinéaste n’en avait jamais filmés. Et la taille de l’écran change deux fois, passant du carré au scope, pour accompagner la dispersion des personnages au fil des années. Ces choix donnent le cap, apportent l’ampleur et le souffle, même si le jeu de l’actrice Zhao Tao, muse de Jia Zhang-ke, émouvante à trois âges différents, préserve la finesse originelle de ce cinéma jadis artisanal.
Particules égarées dans un monde agrandi, endurci, l’héroïne, son époux, son ancien soupirant, malade, mais aussi son fils se perdent de vue, au point de devenir indifférents les uns aux autres, sauf par bouffées de culpabilité ou de nostalgie dérisoires. Voir la tocade amoureuse de l’adolescent Dollar, loin de chez lui et ne parlant qu’en anglais, pour une maîtresse-maman chinoise, bien vite repoussée. Comme Antonioni en son temps, Jia Zhang-ke met en scène une glaciation progressive des rapports humains, une « éclipse » des sentiments, sur fond de matérialisme, de technologie et de migrations sans fin. Mais sa fougue romanesque, son énergie pop et ses talents d’artificier conjurent la froideur du constat : cette fresque somptueuse nous donne moins le bourdon que le frisson. (Source : Télérama)